Le développement durable est un terme que l’on entend de plus en plus, et pas seulement dans l’industrie culinaire. Nous vivons dans un monde où le respect de la planète est devenu la règle. Il est de bon ton de porter des chaussures et des vêtements écologiques, de transporter ses emplettes dans des sacs en coton biodégradable et de conduire une voiture électrique qui ne libère pas d’émissions toxiques. Les gens comprennent peu à peu que si nous n’agissons pas maintenant, nous risquons d’hypothéquer notre avenir.
Voyons comment cette situation se traduit dans le monde de la restauration. Pour les grandes entreprises et les chaînes qui ont les moyens d’investir dans certaines pratiques, la chose peut sembler aller de soi. Mais qu’en est-il des petits indépendants qui veulent eux aussi réduire leur empreinte carbone ? J’ai rencontré l’un de nos chefs cuisiniers d’entreprise, Brandon Collins, qui estime qu’il est de notre devoir de prôner l’adoption de saines habitudes environnementales.
Dana Cohen: Le développement durable, ça veut dire quoi pour toi ?
Brandon Collins : Pour moi, le développement durable consiste à s’assurer que les ressources que l’on utilise quotidiennement seront encore là demain. Ça commence par des gens, comme les chefs, qui orientent la discussion. Si l’on ne pense pas de manière durable dès maintenant, nous allons voir disparaître des ingrédients précieux – qu’il s’agisse d’espèces de poissons menacées ou de produits que l’on consomme actuellement sans se poser de questions. Les sols des régions les plus fertiles risquent d’être si appauvris que nous allons devoir les asperger davantage d’engrais et de produits chimiques, qui finiront ultimement par contaminer nos réserves d’eau potable. Si nous voulons que ces ingrédients subsistent au bénéfice des générations futures, nous devons les préserver dès maintenant. Nous avons besoin de régions agricoles florissantes pour nourrir le monde.
D: J’ai l’impression que le développement durable est un terme que les gens brandissent souvent, sans savoir comment leur établissement peut bénéficier réellement de pratiques plus vertes. Peux-tu nous expliquer quelques-unes de ces pratiques et la meilleure façon selon toi de les mettre en place?
B: Certains chefs vont rencontrer leurs producteurs et distributeurs locaux et voient comment les produits qu’ils achètent sont élevés ou cultivés. Une autre solution est de se tourner vers des sources d’énergie alternatives. Il existe des producteurs d’électricité qui proposent des sources d’énergie renouvelable comme l’énergie éolienne ou solaire. Certaines pratiques consistent à acheter auprès de grandes entreprises qui prennent les devants en matière de développement durable. Je suis fier de travailler pour une entreprise qui fait sa part à ce chapitre. Par exemple, la mayonnaise Hellmann’s® est composée à 100 % d’œufs de poules élevées en liberté et d’huile de source durable. De plus, nous nous sommes engagés à rendre tous les emballages de mayonnaise Hellmann’s® recyclables. Nos nouvelles bouteilles seront entièrement faites de plastique recyclé post-consommation. Cette mesure peut sembler modeste, mais cela signifie que moins de plastique se retrouvera dans les océans et les sites d’enfouissement. Chaque petit geste compte.
D: Quels sont les petits gestes qu’un chef peut poser?
B: Chaque fois que je me procure un ingrédient, je tiens à m’assurer qu’il sera encore là l’année suivante. En tant que chef, j’aime me renseigner et savoir d’où viennent les aliments que je cuisine. J’utilise chaque ingrédient avec soin et respect. Je sais par exemple qu’il faut 120 jours pour faire pousser un oignon; ou que ce poivron, dont la plupart des gens jettent la tige et la partie inférieure, nécessite de 90 à 110 jours d’ensoleillement pour arriver à maturité. On gagne à utiliser l’ingrédient en entier, par exemple les fanes et la pelure des carottes, les épluchures de légumes et toutes les parties de l’animal. On peut déshydrater les pelures et les réduire en poudre, puis les incorporer aux pâtes pour leur ajouter de la couleur et de la saveur. Les feuilles et les tiges donnent du goût aux marinades et aux purées. Les coupes de viande moins connues sont souvent plus économiques et ajoutent de l’attrait aux menus.
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D: Comment le client peut-il savoir que ces pratiques existent et à quoi s’attend-il lorsqu’il va au restaurant?
B: Je pense que les restaurateurs doivent indiquer les gestes qu’ils posent en faveur de l’environnement sur leur menu ou ailleurs. Les clients veulent appuyer les établissements qui partagent leurs valeurs. Pour pouvoir relayer le message, le personnel de service doit aussi être informé du pourquoi et du comment de ce que l’on fait. Et bien sûr, les médias sociaux sont un autre excellent moyen de passer le mot.
D’autres chefs disent ce qu’ils en pensent
«Il ne suffit pas de se débarrasser des pailles à usage unique», affirme le chef Kyle Jakobi. «Certes, c’est important, mais le développement durable dépend surtout de la consommation et du gaspillage d’eau, des produits chimiques, des produits du papier et de bien d’autres choses encore. Le développement durable englobe tellement de choses. C’est un état d’esprit qui consiste à adopter une attitude plus responsable à l’égard de l’environnement et à voir comment nous pouvons réduire notre empreinte écologique en faisant collectivement notre part.»
«Le développement durable varie d’un restaurateur à l’autre en fonction de sa situation et de ses moyens», résume le chef Rudy Smith. «Il faut faire les meilleurs choix possibles pour les gens et l’environnement. Par exemple, si un bistrot haut de gamme a accès à un marché de producteurs ou à des agriculteurs locaux et qu’il a le temps et les moyens de s’approvisionner en produits locaux, il devrait le faire. D’un autre côté, un restaurateur du centre-ville qui sert une clientèle à faible revenu n’a pas forcément la possibilité ni les ressources pour faire de même. Dans ce cas, le développement durable peut se traduire par le recyclage, l’utilisation du produit entier et la prise en charge des gens – les clients comme les employés.»
«Je pense que le développement durable doit commencer par les personnes», poursuit-il. «Il faut faire de son mieux pour créer un environnement agréable pour les employés et servir des mets savoureux et nutritifs pour les clients. À partir de là, tout est une question de choix susceptibles d’améliorer le sort de la planète et des populations. Cet engagement peut se traduire de bien des façons: la conception du menu (intégrant des ingrédients végétaux et durables), l’approvisionnement, le recyclage, la gestion des déchets, la réutilisation, la formation, les salaires, les avantages sociaux, les horaires, la communication, la participation communautaire, etc. Le respect de l’environnement est un état d’esprit.»